Le cinéma français perd l’une de ses voix les plus viscérales. Xavier Durringer, réalisateur, scénariste et dramaturge, est mort d’une crise cardiaque à son domicile de L’Isle-sur-la-Sorgue, à 61 ans. Une disparition brutale, qui laisse derrière elle une œuvre habitée par les marges, les luttes et les blessures intérieures, autant de thèmes qui traversent chacun de ses films.
De la scène au grand écran
Avant d’être cinéaste, Durringer était un homme de théâtre. Il a fait ses armes dans les années 1980, avec des textes qu’il qualifiait lui-même de « punk », un mot qu’on comprend vite en regardant ses débuts au cinéma. En 1993, il réalise La Nage indienne, son premier long métrage, où Karine Viard, encore inconnue, incarne une femme à la dérive dans une France sociale et cabossée. Ce premier film pose déjà le ton : frontal, sans fard, profondément humain.
Suivra J’irai au paradis car l’enfer est ici (1997), une fresque urbaine rageuse portée par Sagamore Stévenin et Emma de Caunes. Le film explore les fractures d’une jeunesse perdue, quelque part entre la violence et le besoin d’amour. C’est ce mélange de tendresse et de brutalité qui deviendra sa signature.
“La Conquête”, un pari audacieux
En 2011, Durringer surprend tout le monde avec La Conquête, un film politique retraçant l’ascension de Nicolas Sarkozy jusqu’à l’Élysée. Tourné alors que Sarkozy était encore président, le projet avait tout du casse-gueule. Mais le réalisateur ose, sans caricature, livrer un portrait nerveux du pouvoir, de l’ambition et de la solitude, porté par un Denis Podalydès bluffant.
Présenté hors compétition à Cannes, le film provoque un vrai débat. Certains crient au coup d’éclat, d’autres au coup de poker, mais tous reconnaissent le courage du geste.
Des films qui parlent du monde tel qu’il est
Xavier Durringer n’a jamais cherché à plaire. Ses films sentent la sueur, la rue, la vraie vie. En 2005, il signe Chok-Dee, inspiré de la vie du boxeur Dida Diafat. Là encore, il parle de rédemption, de corps meurtris et d’âmes en quête de sens. Puis il revient en 2019 avec Paradise Beach, un polar moite tourné en Thaïlande, où un groupe d’anciens braqueurs tente de renouer avec un passé qui les rattrape.
À la télévision aussi, Durringer a laissé sa trace. En 2017, il réalise Ne m’abandonne pas, un téléfilm sur la radicalisation de jeunes filles, diffusé sur France 2. Le projet, récompensé d’un International Emmy Award, est salué pour sa justesse et son utilité. Là encore, le réalisateur s’attaque à des sujets brûlants, sans manichéisme.
Un auteur resté fidèle à ses idéaux
“Écrire m’a donné un ticket pour l’existence”, disait-il. Cette phrase résume tout. Né en 1963, orphelin de mère à la naissance, Durringer n’a jamais cessé de chercher dans l’art un sens à la vie. Son cinéma n’était pas là pour séduire, mais pour dire, secouer, réveiller.
De La Nage indienne à La Conquête, de la scène au petit écran, il aura traversé plusieurs mondes sans jamais trahir le sien. Sa disparition laisse un vide, mais aussi une leçon : raconter la réalité, même quand elle fait mal, reste un acte de courage.





