Sorti en 2013, Prisoners est sans doute le film qui a révélé Denis Villeneuve au grand public international. Ce thriller noir, porté par Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal, plonge dans une Amérique pluvieuse et désespérée, où la frontière entre justice et vengeance s’effrite peu à peu. Douze ans après sa sortie, le long-métrage continue de fasciner, notamment pour sa fin, restée volontairement ouverte et ambiguë. Retour sur cette conclusion haletante, à la fois frustrante et magistrale.
Le piège de Holly Jones
Après deux heures de tension insoutenable, Keller Dover, père anéanti par la disparition de sa fille, finit par remonter la piste jusqu’à la maison d’Holly Jones, une vieille femme à l’allure inoffensive. Sauf qu’en réalité, c’est elle la véritable coupable. Avec son mari, elle a enlevé plusieurs enfants par le passé, dans une sorte de “guerre contre Dieu” pour punir les croyants après la mort de leur fils.
Keller comprend la vérité trop tard. Holly le piège, l’oblige à boire un sédatif et le fait tomber dans une fosse dissimulée sous sa voiture, dans le jardin. Blessé, à moitié conscient, il découvre dans la boue le sifflet de sa fille Anna. un objet symbolique qui prouve qu’elle est bien passée par là.
La révélation du détective Loki
Pendant ce temps, le détective Loki, incarné par un Jake Gyllenhaal magistral, recolle enfin les morceaux. Grâce à Joy, la seconde fillette retrouvée vivante, il apprend que la responsable n’est autre qu’Holly Jones. Loki fonce chez elle, découvre Alex (le “neveu” d’Holly, en réalité un enfant enlevé des années plus tôt), et comprend l’ampleur du cauchemar.
S’ensuit un affrontement tendu. Holly tente d’empoisonner Anna, mais Loki la tue d’une balle dans la tête, puis conduit la fillette à l’hôpital dans une scène de pure adrénaline. Une main sur le volant, l’autre compressant sa propre blessure. Il la sauve de justesse, alors que la neige tombe sur une banlieue enfin silencieuse.
Le sifflement final
Le lendemain, les lieux du drame sont bouclés. Keller, toujours prisonnier dans la fosse, attend. Dehors, Loki observe la maison, seul, exténué. Il s’apprête à partir, quand un son à peine audible perce le silence, un sifflement.
Celui d’Anna, tombé dans la terre, désormais soufflé par son père pour appeler à l’aide. Loki s’arrête, écoute. Nouveau sifflement. Il se baisse, prêt à chercher… Et c’est fini.
Une fin ouverte, entre justice et rédemption
Denis Villeneuve ne montre pas explicitement la libération de Keller Dover, mais tout laisse penser qu’il sera sauvé. Le détective Loki est un homme méticuleux, obsédé par les détails. Il entend le sifflement, comprend ce que c’est, donc il creusera.
Cette conclusion volontairement suspendue symbolise l’essence du film. La foi, la persévérance et la culpabilité. Prisoners ne parle pas seulement d’enlèvements, mais de la façon dont la douleur enferme chacun dans sa propre prison morale. Keller, devenu bourreau en cherchant la vérité, finit littéralement prisonnier de ses actes.





