L’Année Juliette (1995) : une fin ouverte pleine d’ironie pour Fabrice Luchini

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Dans L’Année Juliette (1995), Philippe Le Guay signait une comédie à la fois légère et mélancolique. Et sa fin, pleine d’ambiguïtés, résume à elle seule tout le charme du film — entre mensonge, hasard et ironie du sort.

Un mensonge qui devient réalité

Quand il tourne L’Année Juliette, Philippe Le Guay s’amuse à piéger son spectateur autant que son héros. Camille Prader, incarné par un Fabrice Luchini tout en nervosité et ironie, est un anesthésiste un peu lâche, englué dans une relation dont il ne sait plus sortir. Un jour, à l’aéroport, il se trompe de valise et emporte celle d’une musicienne, Juliette Graveur. Pour échapper à ses problèmes, il invente une liaison avec elle.

Mais le hasard s’en mêle : la vraie Juliette disparaît. Et le mensonge prend une ampleur incontrôlable.

Tout le film joue sur cette confusion entre fiction et réalité. Ce que Camille invente finit par se produire, ce qu’il nie devient vrai. Le Guay construit ainsi une mécanique douce-amère où chaque mensonge révèle une vérité cachée.

La rencontre finale : mythe ou révélation ?

Dans les dernières minutes, le spectateur découvre enfin la véritable Juliette. Elle n’était ni morte ni disparue, simplement absente. Leur rencontre, presque banale, a pourtant des allures de miracle. Camille se retrouve face à celle dont il a fabriqué le mythe — une inconnue devenue obsession.

Mais la scène ne tranche rien. Pas de baiser, pas de “ils vécurent heureux”. Juste un regard, suspendu, et cette impression que la vie a rattrapé la fiction. Philippe Le Guay laisse volontairement flotter le doute : Camille a-t-il trouvé l’amour ou simplement l’image de ce qu’il cherchait à fuir ?

Cette fin, d’une subtilité rare dans la comédie française des années 90, déjoue les codes du genre. On attendait une chute comique, on obtient une réflexion douce sur le mensonge, le hasard et le désir.

Un ton à la frontière de la comédie et du rêve

Ce qui rend L’Année Juliette si singulier, c’est son équilibre fragile entre humour et mélancolie. Philippe Le Guay filme un homme en fuite — mais sans jugement, sans drame. Luchini, impeccable, incarne la confusion du mensonge avec un naturel déconcertant.
Et la mise en scène, presque ouatée, transforme cette histoire de valise échangée en conte moderne sur l’identité.

La fin, avec sa lenteur et sa pudeur, pousse le spectateur à combler lui-même les blancs. Chacun y voit ce qu’il veut : une romance naissante, un hasard poétique, ou simplement un clin d’œil du destin.

Vingt ans plus tard, une fin qui continue d’intriguer

Revu aujourd’hui, L’Année Juliette garde son mystère. On y retrouve un cinéma français en pleine mutation, entre romantisme discret et ironie légère. Et cette conclusion, ni tout à fait heureuse ni vraiment triste, reflète parfaitement les années 90 : celles où les personnages n’étaient ni des héros, ni des perdants, juste des gens un peu perdus.

La boucle se referme donc sur un sourire. Peut-être qu’il ne s’agissait pas de trouver Juliette, mais de se trouver soi-même.