L’écrivain algérien Kamel Daoud, récemment couronné du prestigieux Prix Goncourt 2024 pour son roman Houris, est au cœur d’une tourmente médiatique et juridique qui pourrait bien entacher, voire compromettre, son récent triomphe. En cause : de graves accusations portées par une rescapée de la décennie noire algérienne, affirmant que son histoire personnelle aurait été utilisée sans consentement comme base du roman. Mais cette affaire pourrait-elle réellement coûter à Daoud son Goncourt ? Décryptage d’un scandale littéraire explosif.
Un roman au sommet… et au cœur de la controverse
Avec Houris, Kamel Daoud a marqué l’année littéraire grâce à une œuvre bouleversante décrivant la résilience d’Aube, unique survivante d’un massacre terroriste. Encensé pour sa prose poignante et son exploration des traumatismes, le livre s’est imposé comme une œuvre phare.
Mais à peine quelques semaines après sa consécration, une tempête éclate : Saâda Arbane accuse l’écrivain d’avoir pillé sa vie privée pour en faire un roman, dévoilant des détails intimes issus de ses séances thérapeutiques avec l’épouse de l’écrivain, psychologue.
Des preuves accablantes contre Kamel Daoud ?
Selon la jeune femme, les similarités entre son vécu et le contenu de Houris sont trop nombreuses pour être des coïncidences : ses cicatrices, ses traumatismes, ses relations familiales et même des détails médicaux auraient été exposés dans le livre.
Ces révélations soulèvent des interrogations sur la manière dont l’écrivain a collecté ses informations et, surtout, sur l’éthique de leur utilisation sans consentement explicite.
Elle déclare également avoir refusé à plusieurs reprises que son histoire soit publiée, avant de découvrir avec stupeur que celle-ci était au cœur du roman primé.
Kamel Daoud Prix Goncourt 2024 : en danger ?
Si le Goncourt a rarement été retiré par le passé, la situation de Kamel Daoud pourrait bien représenter une exception.
L’Académie Goncourt, soucieuse de l’intégrité de son prestigieux prix, pourrait se voir contrainte de réagir si les accusations d’Arbane s’avèrent fondées. Une enquête judiciaire pourrait compliquer encore la position du romancier, d’autant que la victime affirme disposer de preuves tangibles, notamment des échanges avec le couple.
La polémique pose également un dilemme à l’Académie : peut-on continuer à honorer une œuvre accusée de violer les droits fondamentaux d’une victime ? La question divise déjà le monde littéraire, où certains défendent l’artiste, tandis que d’autres dénoncent un acte impardonnable d’appropriation abusive.
Fiction ou vol d’identité ?
Kamel Daoud a toujours insisté sur le caractère fictif de ses œuvres, mais ce scandale vient mettre en lumière une frontière floue entre inspiration et appropriation. Si la fiction littéraire s’inspire souvent du réel, cette affaire pose une question cruciale : où tracer la limite lorsque des individus reconnaissables et leurs souffrances sont mis en lumière sans leur accord ?
Certains critiques littéraires redoutent un effet domino, où ce genre de controverses pourrait freiner la créativité des écrivains ou mener à une judiciarisation excessive de la littérature. Pour les défenseurs des droits des victimes, le respect de leur consentement doit primer.
Un scandale aux répercussions multiples
Outre le prix Goncourt, Kamel Daoud pourrait également voir les ventes de son livre affectées, tout comme ses futurs projets littéraires ou cinématographiques.
Si Houris devait être adapté en film, comme cela a été envisagé, il est possible que la polémique dissuade des producteurs ou des distributeurs de s’associer au projet.
De son côté, Saâda Arbane affirme vouloir aller jusqu’au bout pour faire valoir ses droits et dénoncer ce qu’elle qualifie de « violation inacceptable ».
Son courage inspire déjà de nombreuses personnes ayant vécu des expériences similaires à prendre la parole.