Sorti en 2024, Better Man n’est pas un biopic comme les autres. Réalisé par Michael Gracey, le metteur en scène de The Greatest Showman, ce film de 2h14 revient sur la vie de Robbie Williams, ex-membre de Take That devenu star mondiale… et victime de sa propre légende.
Dès les premières minutes, le ton est donné : Gracey choisit de représenter Robbie sous la forme d’un chimpanzé numérique, une métaphore puissante de la déshumanisation causée par la célébrité. Ce choix audacieux résume tout le propos du film — l’artiste comme animal de foire, observé, jugé, épuisé par le besoin de plaire. C’est à la fois déroutant et fascinant, comme un mélange entre rêve, confession et cauchemar pop.
L’ascension, la chute, puis la déconstruction
Le récit traverse toutes les grandes étapes de la vie du chanteur : ses débuts précoces, le succès fulgurant de Take That, les tensions internes, la rupture, puis la renaissance en solo avec des tubes comme Angels ou Rock DJ. Mais derrière le glamour, le film montre un Robbie Williams instable, rongé par l’anxiété et la dépendance.
La mise en scène de Michael Gracey se veut volontairement chaotique. Les concerts se transforment en séquences psychédéliques, où réalité et fantasme s’entremêlent. Les fans deviennent des silhouettes floues, les projecteurs des armes, et Robbie semble se perdre dans un décor de plus en plus irréel. On n’est pas dans un simple biopic musical : c’est un voyage dans la tête d’un homme en crise.
Un final cathartique : Robbie contre Robbie
La dernière partie du film, centrée sur le mythique concert de Knebworth en 2003, condense toute la symbolique du film. Devant une foule immense, Robbie monte sur scène, mais au lieu d’un triomphe, il affronte une tempête intérieure.
Sur scène, ses multiples “moi” apparaissent : le Robbie adolescent, le Robbie arrogant, le Robbie junkie, le Robbie brisé. Chacun incarne une facette de son passé qu’il n’a jamais vraiment digérée.
S’ensuit une séquence spectaculaire où il les affronte littéralement, comme dans un cauchemar théâtral. Les clones se battent, se déchirent, explosent les uns après les autres. Le tout est filmé comme une bataille mentale, presque biblique, entre l’homme et l’icône.
Le moment le plus fort survient quand il se retrouve face à son double miroir, celui qu’il hait le plus : lui-même. Dans un geste désespéré, il tente de se trancher le poignet — une métaphore brutale de la lassitude, du désir d’effacer l’image publique qui l’a dévoré.
La lumière au bout du tunnel
La séquence suivante, plus silencieuse, le montre seul sur un lac gelé. Une vision quasi mystique, comme un passage entre la vie et la mort. C’est là qu’apparaît le souvenir de sa grand-mère Betty, figure douce et bienveillante qui incarne la voix du pardon. Elle l’invite à lâcher prise, à se pardonner.
Ce moment marque un tournant : Robbie choisit la vie. Il décide d’affronter ses blessures au lieu de les fuir, d’accepter sa fragilité au lieu de la maquiller sous les paillettes.
La réconciliation et la paix intérieure
Le film se clôt sur une scène émotive au Royal Albert Hall, symbole de retour à soi. Robbie, apaisé, chante “My Way” en duo avec son père, Peter. Ce n’est plus le performer survolté, mais un homme vulnérable, sincère. Le public l’acclame, non pour sa perfection, mais pour son authenticité retrouvée.
Dans le public, on devine les silhouettes de ses anciens “doubles”, désormais apaisés. Ils ne le jugent plus, ils l’accompagnent. C’est une forme de rédemption visuelle et émotionnelle : Robbie Williams devient enfin ce que le titre promet un homme meilleur.
Un film déroutant, mais profondément humain
Avec sa narration éclatée et son esthétique hybride, Better Man divise. Certains y verront un délire visuel, d’autres une confession bouleversante. Mais impossible de nier la sincérité du propos : c’est le biopic d’un homme qui n’a jamais su se trouver, jusqu’à oser se regarder en face.
Michael Gracey signe un film à la fois chaotique, poétique et incroyablement personnel. Et dans ce chaos, Robbie Williams nous offre la plus belle de ses performances : celle d’un homme qui choisit enfin de ne plus jouer un rôle.





